HUMEURS HUMOUR, LA PAUSE FEMININE

Le lundi au soleil, « t’as quand même la belle vie toi » et autres petites phrases assassines

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Lundi, premier jour de la semaine

« Maman tu pourras m’amener au collège demain comme t’as pas d’ateliers à l’extérieur ce mardi, je l’ai vu sur l’agenda ? je commence à 9h »

Ma fille 7h20 en me faisant les yeux du Chat Potté.

Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’en l’amenant demain, je perds 40 minutes de temps de travail que je ne rattraperai qu’en travaillant pendant le week-end ou les vacances scolaires, et même si compter ce genre de choses m’ennuie, elle sera la première à râler si je suis en train de répondre à des mails sur mon iphone pendant le goûter du dimanche.

« Vous ne pourriez pas nous accompagner en sortie scolaire au pied levé ? Comme votre fils m’a dit que vous étiez à la maison aujourd’hui. »

La maîtresse 8h20 en me regardant d’un air culpabilisant.

Ce qu’elle ne sait pas c’est que je ne vais pas avoir le temps de pisser de cette fameuse journée à la maison, et qu’à l’heure où elle débauchera, j’irais embaucher au périscolaire, que je rentrerais à 18h15-18h30 et que je retravaillerais le soir (comme elle, ceci dit, on est un peu collègue au final, elle est censé comprendre que mon boulot ne s’arrête jamais à moi aussi … sans l’assurance d’être payé , ni d’avoir du boulot le mois suivant … j’admire les profs et les instit, mais je vois rarement cette admiration réciproque ;-))

« Tu pourrais me donner la taille des pneus de la voiture ? »

Le mari à 8h40 avec un petit SMS.

Ce qu’il ne sait pas c’est que j’ai pas encore débarrassé la table du petit déjeuner, que je dois vider le lave vaisselle avant un rendez-vous téléphonique à 9h.

« Oh je pensais pas que vous seriez chez vous un lundi matin, vous en avez de la chance !’

Le livreur 9h30 en me déposant mon colis UPS.

Ce qu’il ne sait pas c’est qu’il vient de me livrer 2 livres de 300 pages à lire et dont je dois faire une fiche de lecture et donner mon avis pour l’éditeur.

(temps approximatif estimé à la louche qui se veut toujours très optimiste : 7 heures. Certes j’ai un mois pour le faire)

« Ma fille elle bosse pas beaucoup, elle est souvent derrière son ordi à traîner sur internet, puis de temps en temps elle va faire le clown dans les médiathèques »

Ma mère à 10h30 avec ses collègues autour d’un thé.

Ce qu’elle ne sait pas c’est qu’à cette heure là, j’ai écrit déjà 1 article en 2 heures (j’avais commencé un brouillon un dimanche après-midi, là j’ai rédigé avec photos renommées, liens, SEO, mot clé) ce qui prend normalement 3 heures quand on veut tout bien faire, mais que je dois rendre aujourd’hui impérativement donc j’ai essayé d’être la plus efficace possible pour que mon travail soit rendu à temps et pouvoir toucher dans 3 mois 60 euros, enfin non, 36 euros car je vais payer mes charges, enfin non 15 car je dois en mettre un peu de côté pour mes congés, ma retraite qui ne sont pas inclus dans ce tarif, bien sûr je n’ai pas le droit d’être malade car je n’ai pas de congé maladie)

« Je suis en pause déjeuner. J’ai vu un t-shirt trop sympa pour toi en faisant les boutiques. »

Ma copine adorable à 12h30 qui a une heure pour manger chaque midi, loin de chez elle et de son tas de linge.

Ce qu’elle ne sait pas, c’est que je l’envie. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que moi je vais manger en 15 minutes en faisant la liste des choses qu’il me reste à faire cet aprèm, enfin les 3 heures qu’il me reste avant d’aller embaucher ou manger devant mon ordi, ou ne pas manger et préparer le repas du soir pour gagner un peu de temps sur mon retour, ou lancer une machine car je suis à la maison, alors bon, si je fais pas au moins ça, j’aurais vraiment rien branler de ma journée de sale feignasse.

« Vous pouvez nous envoyer un devis rapidement. Avant demain ce serait bien. »

Une structure petite enfance à 14h dans le flot de la quinzaine de mails qui attendent des réponses urgentes et auxquels je vais passer une heure à répondre sans trainer, ni aller aux toilettes, ni faire de pause clope ou café.

Ce qu’elle ne sait pas, c’est que j’avais prévu de préparer le brouillon pour de la rédaction web pour la dernière heure qu’il me reste avant de partir. Mais je ferais son devis car c’est une réaction professionnelle et je ferais mon brouillon ce soir après 20h quand les enfants seront couchés. J’ai de la chance, je peux travailler même la nuit si je veux, mon bureau est toujours ouvert, et je suis chez moi, alors vraiment, quelle chance.

« Dis donc t’es chargée avec tout ton matériel, tu veux que je t’aide ? »

La responsable du périscolaire bienveillante qui me voit porter ma caisse de matériel qui pèse 11 kilos (ce jour-là, parfois il y en a des plus lourdes ;-)) sous la pluie.

Ce qu’elle ne sait pas, c’est que j’ai déjà chargé cette caisse une fois en partant de chez moi, et que je la déchargerais encore en arrivant, et qu’il m’arrive de faire cela 8 fois dans la même journée avec jusqu’à 4 allers retours à la voiture pour une seule prestation lorsque j’ai beaucoup de décors et de matériel suivant la thématique de ma séance du jour.

 » Il commence à nous chanter les comptines en anglais, il adore vos séances. Vous avez tellement d’énergie !  »

Un papa à 17h15 en récupérant son fils après les Temps d’Activités Périscolaires, très bienveillant.

Ce qu’il ne sait pas, c’est que les 10 gamins de mon groupe ont eux aussi beaucoup d’énergie et que je me suis donnée à fond pour que justement les enfants s’éclatent et les parents soient fiers. Mais que j’ai toujours pas été faire pipi et que je fatigue quand même un peu en pensant que je vais devoir aller récupérer mon propre fils au périscolaire de son école après avoir rangé mon matériel.

« Oh j’adore votre blog ! C’est drôlement sympa ! Et vos petits statuts sur Facebook ! Vous avez tout le temps un verre à la main 😉 »

Une maman d’école super sympa à 18h15 qui pense que blogueuse c’est mon métier et qui voit passer des photos de moi en soirée avec des verres de cocktails et qui se dit que vraiment j’ai la belle vie à être toujours en vadrouille.

Ce qu’elle ne sait pas, c’est que la plupart du temps je planifie mes statuts Facebook sinon je n’ai pas le temps d’y aller pour ça et que je tiens pourtant à répondre à chaque commentaire car j’adore cet espace qui est le mien, le votre, le notre et que pour rien au monde je ne veux le laisser tomber. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’écrire cet article m’a pris 1h et que je ne suis pas payée pour ça (chacun ses loisirs) mais que je ne veux pas décevoir mes lecteurs et qu’écrire est une passion, qui ne rapporte rien, mais qui est chronophage. Ce qu’elle ne sait pas c’est que la dernière soirée du vendredi où elle m’a vu boire un verre avec d’autres blogueuses, j’étais épuisée, je n’avais pas vu mon mari depuis 4 jours (puisqu’il a lui aussi des soirées pour son travail et des déplacements), et que je ne pouvais pas me contenter de boire le verre et me poser en papotant comme elle le fait en soirée avec ses copines, car je devais twitter (avec une main, l’autre est prise par le verre ;-)), instagramer, prendre des photos, prendre des notes pour faire un futur article, et échanger avec les personnes présentes car personne ne veut d’une nana fatiguée qui s’assoit sur une banquette et s’éclipse de la soirée super tôt car le lendemain matin elle est en médiathèque pour faire un spectacle avec 12 gamins et autant de parents (matériel à porter, installer inclus).

« Vous pouvez venir manger dimanche midi ? »

Une amie chère à mon coeur à 19h30 qui a laissé un message sur mon répondeur pendant qu’on dinait.

Ce qu’elle ne sait pas, c’est que je travaille les samedis matins ce mois-ci car avec moi on ne sait jamais vu que ça change tout le temps et que ce n’est jamais fixe, et que quand le dimanche est mon seul jour de repos, parfois j’ai juste envie de ne voir personne et me poser. Mais comme elle a vu une photo de moi sur instagram un mardi matin dans Bordeaux (un rendez-vous professionnel, mais ça elle ne le sait pas), je culpabilise de lui dire que je suis fatiguée de ma semaine. Puis je ne fais tellement rien de mes journées à rester chez moi et/ ou aller faire le clown / sortir le soir entre blogueuses, que ce serait mal pris de refuser son invitation. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’après son coup de fil, je vais certainement me remettre au boulot (peut-être sur le canapé ou même dans mon lit, ça par contre, c’est un sacré avantage .. ou pas) ou peut-être glander devant une série ou un film (c’est possible aussi hein ;-))

Elle ne sait pas, il ne sait pas, personne ne sait, car c’est difficile à comprendre, c’est difficile à expliquer. Parce que j’aime vraiment tout ce que je fais et que je dois tout faire pour être pleinement moi mais aussi gagner un minimum ma vie (bien moins qu’un temps partiel payé au SMIC pour entre 25 et 50 heures de travail par semaine). Parce que tout le monde a des journées de dingue, mais que les miennes ont toujours l’air plus faciles vu de l’extérieur.

C’est un jour classique parmi une semaine classique : il y en a des moins intenses, c’est vrai, (des plus intenses aussi mais je ne veux pas faire peur à ceux qui voudraient créer leur entreprise ;-)) mais ce lundi est quand même très proche d’une journée typique.

Alors oui il y a des semaines où tu me croiseras dans Bordeaux un mardi matin en train de boire un thé, peut-être et je l’espère, j’aurais pris enfin le temps de m’asseoir avec une copine pendant une demi-heure pour papoter et rigoler, parce que j’ai eu besoin de souffler et que je bosserai ce week-end parce que ça me convient, mais peut-être que c’est aussi un rendez-vous professionnel où je dois défendre un projet autour de l’apprentissage de l’anglais ou montrer ma capacité à m’organiser (really ? ;-)) pour faire de la rédaction web.

Tu me croiseras peut-être un mercredi après-midi accompagner mon fils au solfège et tu diras que j’ai bien de la chance de pouvoir m’occuper de lui et ses activités, mais si tu regardes bien pendant son heure de cours ou sa demi heure de guitare, j’ai un mini ordi ou un cahier (et je travaille sur la petite table à l’accueil, ou je lis pour me former encore et toujours et apprendre).

Peut-être tu verras passer des photos d’un moment totalement bouleversant et intense sur les réseaux sociaux où je me sens très chanceuse d’avoir cette vie-là et où tu me trouveras chanceuse toi aussi, mais où ma chance est parfois dû un tout petit peu à mon travail.

 

Cet article n’a pas pour but de me plaindre ou de dénigrer les horaires « classiques » de travail, juste de faire le point sur mon statut un peu « batard » de free-lance qui a des avantages et des inconvénients et qui reste souvent incompris ou inconnu, car justement il n’est pas « classique ».

Il n’a pas pour but non plus de dire que je n’aime pas bloguer (bien au contraire) et que c’est une corvée casée dans l’emploi du temps, idem pour les soirées blog : juste de remettre dans le contexte que tout n’est pas que plaisir et qu’il y a une vraie part de travail derrière, même s’il m’appartient le droit d’en modifier le rythme et de faire des choix de « sens » et « envie » dans cette partie de ma vie.

J’aime passionnément toutes les fonctions de mon job/ mes jobs (bon ok, sauf la compta et les coups de fil au RSI ;-)) et je suis parfaitement heureuse de mes choix même lorsque je sens que financièrement mon épanouissement a réellement un coût pour notre compte en banque, et qu’un emploi différent me permettrait de renflouer les caisses de manière fixe et sereine avec peut-être moins d’heures ou un cadre plus défini.

Mais autant que la femme au foyer que j’ai pu être, la free-lance que je suis, sourit tristement en entendant qu’elle ne fait rien de ses journées, ou qu’elle s’amuse, ou qu’elle glande devant son ordi.

 

15 réflexions au sujet de “Le lundi au soleil, « t’as quand même la belle vie toi » et autres petites phrases assassines”

  1. Merci pour cette explication! Je me retrouve à 98% dans votre article. Les 2% restant sont dû à ma petite troisième, qui bien sûr ne peut avoir une place en crèche puisque: horaires trop fluctuants, pas assez de place, et puis si c’est pour leur donner le peu de bénéfice…
    Mais c’est pas grave… Là aussi c’est une chance…
    Je cite: comme tu travailles pas, tu peux t’occuper de ta petite (et des deux grands), veinarde!
    Bref! Encore merci, votre article devrait être inscrit dans les manuels scolaires, les journaux, les magasines, l’annuaire, le menu de la cantine…😉

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  2. Tu décris bien ce que tu vis en tout cas. Je ne suis pas à ta place car je blog les soirs pas tjs car souvent fatiguée donc par moment Sur le blog je n’ai pas d’article tous les jours

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  3. Je compatis, même avec un boulot plus standard, je bosse 8-17 avec20 min pour manger, je bosse donc entre 42-45h/semaines et je n’arrive pas au smic ds 35h, je ne gagne rien avec mon blog…et je doit quand même entendre des remarques de certains patient a qui he ne peut pas prendre car veulent rdv a 18h q « je fais quoi se gens qui travaillent… » bref j’ai ds journées ou ça me fatigue donner ds explications d pourquoi c moi qui recupere mon fils chez nounou et c très simple, car c plus chere un nounou q c q je gagne a l’heure net alors le choix est fait…. en bien sûre la plus part ds gens le veulent pas payer les seances car la santé est gratuite!!! Plein courage!!!!

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  4. Oh my god Lydie, super article qui pointe du doigt les vérités pas assez mises en avant du statut de freelance… Tu as toute mon admiration car vois-tu, moi j’en suis revenue. Pas pu tenir. Trop de précarités et marre de ne pas pouvoir expliquer sans blesser la scission entre vie perso et vie pro.
    Bravo de clarifier les choses.
    Enfin aujourd’hui, je t’avoue que je galère aussi en statut batard mi-étudiante (école de communication à distance), mi-salariée (mais embauchée comme stagiaire, donc avec le salaire qui va avec ahah), et tout le reste… tout le gros reste qui englobe vie de famille, maman, ménage and co 😉 l’impression de ne jamais avoir assez de temps…

    Courage, you’re not alone ! (et encore une fois, bravo)

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  5. Telle Alice, tu nous fais passer de l’autre côté du miroir… tu as raison de raconter que tout n’est pas si simple et si rose qu’on voudrait le croire. bravo pour l’énergie que tu fais toujours passer à travers ton FB, insta ou ici. ça doit être dur parfois, mais ça ne transparait pas ! l’important c’est que tu t’éclates dans ce que tu fais, et ça, ça transparait !

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    1. J’essaie de ne pas non plus montrer que les belles choses, même si c’est ce que j’ai envie de retenir dans mes journées, et je ne veux pas avoir non plus l’impression de « vendre du rêve » ou berner les gens … J’aime réellement tout ce que je fais, mais je ne veux pas que l’on croit que tout est facile non plus 😉

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Commentaires

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